La loi des séries...

Publié le par ES


    Alors que le monde tremble et retient son souffle pour savoir quelle sera la fin du bras de fer entre les scénaristes et les nababs Hollywoodiens, une chose s’affiche clairement : la dépendance de nos sociétés aux séries télé qui n’a cessé de s’accroître depuis une vingtaine d’année. L’objet de cet article n’est nullement de pondre une historique de la série, de mettre en lumière les séries phares des années 1960 pour montrer quel impact cela a eu sur les séries actuelles, ni d’apporter des chiffres concrets sur la réalité série de notre époque, mais plutôt de dégager des axes d’interrogations pour tenter de toucher du doigt la raison qui a entraîné la fin du film du dimanche, la fin de bon nombre de projections de films à la télévision pour donner à la place le champ libre à la série.

    Essayons pour l’heure de schématiser autant qu’il est possible l’aspect générique des séries, car il n’existe, comme en cinéma, pas un mode de séries préconstruit. Tout comme les genres sont infiniment variés, les formats sont variables. De la série de vingt minutes, à la série d’une heure voire d’une heure trente, le lot est assez riche en possibilités (on pourrait même inclure les mini séries de 3 minutes qui ont fleuri depuis cinq ans). Zappons la question de la raison de ces formats standards (avant tout propre à l’application audiovisuelle pour les télé nord américaine, les pubs à foison) et centrons-nous sur la forme des séries que l’on pourrait diviser en deux avec une troisième catégorie hybride. Commençons par la première catégorie, qui me semble d’une façon logique être la plus ancienne (mais je peux me tromper), à savoir la série à épisode autonome. Comment la définir : il s’agit de ces séries où chaque épisode peut se voir de façon indépendante, sans aucune gêne de compréhension. Pourquoi avancer que ce type de série demeure la plus ancienne ? Parce que, me semble-t-il, à l’origine, on produisait pour la télévision des programmes d’une durée limitées, rarement très longs, qui devaient accrocher le plus de monde en restant simple. Prenez Ma Sorcière Bien Aimée, à pratiquement tous les épisodes, le rôle des personnages nous est rappelé. Ce genre de série continue d’avoir la belle vie, notamment dans le registre des comédies puisqu’il permet de toucher un large public avec souvent peu de moyens. Il existe pourtant bien une progression existante cependant qui correspond au véritable temps qui passe. Les acteurs vieillissent, quand ils ne grandissent plus, et donc une série ne peut pas, si elle dure longtemps, prétendre conserver ses comédiens dans du formole éternellement. Pour citer un autre exemple plus connu, la série Friends, répartie sur dix saisons, a dû jouer sur le double registre. La plus grande majorité des épisodes est autonomes, mais au fil des saisons, certaines références reviennent, les relations évoluent entre les personnages. Seul exception à cette terrible réalité : les séries animées qui offrent l’éternelle jeunesse aux personnages comme les Simpsons ou South Park.

    L’aspect inverse se rencontre aussi dans le monde des séries, il s’agit des séries filées. Tous les épisodes se suivent sans interruption, contraignant le spectateur à tout regarder. Plus récent, ce système permet de fidéliser d’une autre manière le public, même s’il peut fermer l’accès aux amateurs. Parler d’un aspect récent de ce genre demande une nuance : la plupart des vieilles séries (plus exactement des longues séries) américaines ont usé de ce procédé. Les feux de l’amour, dont l’âge dépasserait presque une bonne partie de l’audimat, ne sont qu’une continuation d’histoires entremêlées à n’en plus finir, comme le parodie si bien Friends avec Les jours de notre vie. Cependant, le système a connu un bond depuis quelques années avec les séries américaines à gros succès devenues des effets de mode incontournables, parfois de vraies œuvres cinématographiques par leur originalité. Ainsi Desperate Housewives, Lost, Hereos, Weeds, Prison Break, Disparition, les 4400, Rome, Dexter, 24, pour citer les plus connus, ont tous joué la carte de l’épisode à suspens dans le véritable sens du terme qui laisse toujours le spectateur désireux de connaître la suite. L’apport formidable de ce system, qui se développe encore plus facilement que dans les séries à épisode autonome, est de créer un vrai attachement pour les individus des histoires, une intimité que ne permet pas un film cinématographique de deux heures. L’effet pervers, dû à la contrainte économique, réside cependant dans cette même extensibilité à l’infini. Car si une série peu être continue sur plusieurs saisons, les meilleurs sont toujours celles qui savent s’arrêter un jour, mais malheureusement les chaînes de télévision pensant davantage par l’argent que par l’esthétique sont près à tout pour conserver l’audimat, qui a pêché par défaut de qualité. Ainsi pour le cas de Lost, il était prévu dès le début d’avoir un peu moins de 10 saisons, ce qui est énorme, et qui demande alors d’arriver à captiver jusqu’au bout, or beaucoup furent déçus par la saison 2 nettement moins passionnante, traînant en longueur. La saison 2 de Desperate avait le même défaut d’être moins original.

    Entre les deux méthodes, il existe les versions hybrides qui empruntent au deux modes : on y trouve généralement une trame qui se déroule le long de la saison, mais à l’intérieur, chaque épisode contient une petite histoire particulière. Quelques séries policières utilisent ce system (NCIS par moment, MI5,…). A ce titre, citons Dead like me dans lequel une jeune fille tuée par la lunette des toilettes d’une station orbitales, se retrouve faucheuse d’âme, chaque épisode comporte une action propre, mais l’histoire se lit sur la longueur ; de même pour How I Met Your Mother, où le fil conducteur (quoique mince) crée une continuité.

    La loi des séries est donc de se diversifier toujours plus, d’offrir des offres de plus en plus fournis pour que chacun y trouve son compte. Pourquoi effacer une grande partie des films de cinéma pour les remplacer par des séries ? D’abord, parce que sur la longueur cela revient nettement moins cher avec une garantie pour les chaînes d’une certaine fidélité. Ensuite, parce que les séries sont devenus de véritables œuvres expressions qui ont dépassé le simple but de divertissement second. Incontournable culturellement, effet générationnel avec le besoin de s’accaparer  une série pour la revendiquer comme sienne, pour en faire une sorte d’emblème, les séries sont devenues aussi importantes que les attentes cinématographiques. De plus, les deux mondes se sont crées ainsi des passerelles. Des films à succès ouvrent la voie à une série (Stargate, Terminator…), des séries sont adaptés pour le grand écran (les Simpsons, Sex in the city…). Les séries savent se renouveler avec plus ou moins d’aisance. En Janvier, la série Paranormal State jouait la carte du faux documentaire pour traiter des histoires surnaturelles (avec un succès très moyen pour une série pas franchement suivie).

    Les séries sont donc devenues une part importante de la vie cinématographique, les acteurs de séries souvent aussi bien connus que ceux des films. Si certains dangers existent pour ne pas sombrer dans un pur produit de consommation, pour parvenir à se libérer des majors afin de s’orienter vers des œuvres plus engagées (à l’image de Weeds ou South Park), nous sommes amenés à côtoyer les séries pour encore un moment, alors autant s’y mettre si ce n’est pas déjà fait.
(Voilà aussi pourquoi, certains articles du blog traiteront certainement dans un avenir proche de séries autant que de films).

Publié dans Côté séries

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