Avatar, une révolution avortée

Publié le par ES

avatar_inter-activities_christine_Blanc.jpgJames Cameron est certainement demeuré un petit garçon, pour le meilleur comme pour le pire. Et il serait injuste de débouler et de détruire son énorme lego qu’il a mis plus de quatre ans à assembler, mais pourtant encenser un tel film et le porter au rang de chef d’œuvre de l’ère numérique serait quelque peu hypocrite. Avatar a bénéficié pour le moins d’une campagne de communication parfaite, parvenant à faire monter le buzz en douceur sans lasser, ne montrant le bébé qu’à très peu de gens pour éviter les mauvaises critiques avant la sortie. Avatar était sobrement présenté comme la révolution du cinéma, devant faire entrer la 3D dans une ère nouvelle où aucun long métrage ne pourrait se passer de cette technologie.

Sur la planète Pandora, un bon siècle après le notre, les humains ont déniché une matière pour remplacer leur énergie, de quoi entraîner les plus grandes folies dans le but d’empocher un pactole attrayant. Mais sur la planète Pandora, alors que les hommes ont bâti une base protégée contre les monstres qui rodent dans la nature luxuriante, le peuple autochtone, les Na’vis, tout bleu et de trois mètres de haut vit sur le plus gros gisement et n’est pas décidé à s’en aller. Pour les comprendre et les espionner, des scientifiques ont mis au point une technique permettant de créer des avatars, des corps génétiquement modifiés de ces Na’vis dans lesquels les hommes peuvent projeter leurs esprits. L’un de ces scientifiques, mort tragiquement, se voit remplacer par son frère jumeau, un soldat qui a perdu l’usage de ses jambes. Cabotin et fonceur, l’homme va avoir la chance de tomber en plein dans le nid des Na’vis, de se voir enseigner en quelques mois les coutumes du peuple avant d’en devenir un membre à part entière. Sauf que de l’autre côté, les humains n’en pouvant plus d’attendre lance une guerre pour déloger les indigènes et les anéantir. L’homme, Jake Sully, mènera les humanoïdes bleutés vers une victoire douloureuse et boutera les Terriens hors de Pandora.

avatar-1Mélangeant l’utopie du western (les bons indiens), le space opera façon Star Wars, le récit sur les virtualités, l’idéologie de l’univers des jeux vidéos (Final Fantasy, Turok) et des mangas asiatiques (Miyazaki n’est pas très loin), et secouant le tout, James Cameron a sans doute voulu toucher à toutes les tendances possibles dans la Science Fiction pour créer un monde à part entière. Et là réside la meilleure partie d’Avatar, la découverte d’un environnement foisonnant d’idées et d’une certaine beauté esthétique, dont cette idée de lier les humanoïdes à la nature via leurs queues de cheval qui se finissent en sorte de fibres optiques. L’espace d’une demie heure, on embarque dans cette voie initiatique, se plaît à être grisé par les découvertes du héros et la flore colorée. Mais la magie ne dure qu’un temps. Qui trop embrasse mal étreint, pourrait-on dire. Le récit devient davantage un voile de fumée qu’une histoire peaufinée en profondeur. En partant dans toutes les directions, James Cameron (qui a le mérite d’être à l’origine de son scénario) ne réussit hélas pas vraiment à bâtir une œuvre digne de ce nom. La tendance écolo illuminée lasse quelque peu, la dénonciation de l’américanisme (déjà pas mal vue) n’ajoute rien, si ce n’est une vision de l’humanité très stéréotypée (les hommes sont mauvais et cupides, tous à mettre dans le même panier et leur technologie destructrice, tandis que les bons Na’vis eux ont tout compris à la vie). A croire que les seuls Terriens à s’en être sortis sont les Américains. La question de la virtualité avec les avatars n’est nullement exploitée. Quid de l’interrogation sur la psychologie d’un homme qui change de corps, sur l’addiction à la virtualité, les potentialités d’une telle découverte… Jake Sully est immédiatement à l’aise, et n’hésite pas une seconde à choisir le corps Na’vis (pourtant bien différent). On comprend bien que, de la part d’une personne en fauteuil roulant, pouvoir retrouver ses jambes est formidable, mais la justification est un peu maigre. Et la scène finale semble signifier que les Na’vis trouvent dans la nature une technologie encore plus développée que celle des hommes. La Terre n’est d’ailleurs jamais abordée, ni la conquête spatiale. James Cameron fait le choix de lâcher le spectateur immédiatement dans Pandora, avec la voix off du héro pour seul repère, ce qui rend le récit dynamique, mais enlève tout arrière plan. La complexité d’un système galactique géopolitique (qu’on pouvait en partie trouver dans Star Wars) est inexistante, comme si Cameron n’avait en réalité réfléchi qu’à Pandora voire qu’au monde des Na’vis, délaissant tout le reste de l’univers. Voilà qui est fort dommage, puisqu’il finit par ne livrer qu’une aventure quelque peu réchauffée et classique, mais plutôt accrocheuse et divertissante. Le fond même d’Avatar déçoit.

4099377kmcrwN’en voulons pas à James Cameron, il n’avait jamais annoncé révolutionner les histoires, seulement le cinéma dans son aspect technique, d’où l’élaboration d’une nouvelle caméra pour filmer la 3D et ajouter des images de synthèses censées être toujours plus crédibles à l’œil. Inscrite dans un mouvement relancé depuis deux trois ans, notamment par l’industrie du cinéma pour reconquérir des parts de marché, la 3D a été annoncée comme la révolution du cinéma (cf Platitude et volume), offrant des images incroyables, des potentialités sans borne et une expérience nouvelle pour le public. Les plus grands pontes US se sont lancés dans l’aventure. Après les films d’animation, et alors que Spielberg, Lucas, Tim Burton tentent l’expérience, James Cameron avait annoncé de son côté que sa technologie serait un point marquant dans l’histoire du cinéma, ouvrant la voie à une nouvelle ère de films.

avatar-james-cameron-3-1024x640Qu’en est-il une fois face à l’écran ? Avouons d’abord que les lunettes et la 3D durant 2h40 fatiguent quelque peu, surtout quand les images vont à vive allure. Constatons ensuite qu’hélas, la révolution n’est pas au rendez vous, et ce pour deux raisons. La potentialité des effets 3D n’est pas réellement exploitée. Certes, les profondeurs de champ rendent l’image plus belle, mais en soi, d’autres films avant (dont le très beau La Haut) avait déjà offert une telle expérience. A part un ou deux éléments (dont deux flèches de Na’vis plantées dans le méchant) les effets de volumes sortant de l’écran ne sont pas vraiment employés. On en vient à se demander si les lunettes sont indispensables pour ce film, ce qui témoigne en soi d’une première déception (surtout quand on arrive à un prix de séance avoisinant les 13 euros). La technologie devait aussi permettre d’offrir des images numériques tellement parfaites que l’on ne discernerait plus le vrai du faux. Or, à nouveau, le résultat n’est pas à la hauteur des attentes. Si certaines séquences sont très belles et très crédibles, d’autres (une majorité) relèvent plus de l’esthétique du jeu vidéo que du film. Difficile de ne pas se croire face à un film d’animation ; difficile donc de comprendre à l’écran où se joue la révolution par rapport à certains autres films déjà existants. 

L’immersion dans un monde purement numérique devait être parfaite, mais tant de numérique rend le film superficiel dans la forme. L’intégration d’acteurs réels dans un fond vert a rarement été aussi aboutie, mais ne convainc pas. Reste un long métrage de divertissement pur, premier volet d’une possible trilogie selon le box office, appréciable et sympathique. Allouons que James Cameron demeure, à défaut d’être le messie du nouveau cinéma, un conteur assez doué pour embarquer le spectateur dans des histoires palpitantes.
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E
<br /> Je n'ai pas encore vu ce film ; néanmoins tes critiques prennent en maturité, par rapport aux premières que j'avais pu lire ! Félicitations :)<br /> A bientot<br /> <br /> <br />
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